La notion d’argumentation a incontestablement une origine rhétorique.
C’est un des moyens dont on dispose pour persuader ses interlocuteurs, en montrant
que l’on défend des thèses déductibles d’autres thèses généralement tenues pour vraies
ou vraisemblables. Dans la mesure où l’argumentation en ce sens (argumentation
rhétorique) utilise comme instrument privilégié des conjonctions du type de “donc”,
“par conséquent”, la théorie de l’Argumentation Dans la Langue a été amenée à
entendre par “argumentation” des discours et plus précisément des enchaînements
d’énoncés au moyen de conjonctions de ce type. Mais nous nous sommes aperçu
de deux choses. D’une part, que dans ces enchaînements en “donc” la conclusion
contient en elle-même le sens de l’argument dont elle est issue et inversement que le
sens de l’argument contient en lui-même le fait que l’argument soit utilisé pour une
certaine conclusion. D’autre part, nous avons noté que cette interdépendance de A et
de B dans l’enchaînement “A donc B” se retrouve également dans des enchaînements
opposés de structure “A pourtant non B”. Ceci nous a amenés, c’est en tout cas le
point de vue développé dans la Théorie des Blocs Sémantiques de Marion Carel, à
enlever aux enchaînements argumentatifs toute prétention à atteindre une forme,
même imparfaite, de persuasion et à leur attribuer un statut purement linguistique.
Cette décision, qui amène à opposer radicalement l’argumentation linguistique à
l’argumentation rhétorique, a permis de construire une sémantique entièrement fondée sur l’argumentation linguistique. Pour la Théorie des Blocs Sémantiques, le sens des mots et des énoncés consiste uniquement à évoquer des enchaînements en “donc” et
en “pourtant”, enchaînements qui constituent, pour ainsi dire, les atomes sémantiques
avec lesquels est construite toute signification.