L'époque de Martial fut le témoin d'une évolution dans les
mentalités due à des facteurs politiques, économiques et sociaux, et d'une
transformation de la morale républicaine. Rome adapte aux circonstances
nouvelles les anciennes vertus qui ont fait sa grandeur depuis ce que I'on
peut appeler «Ie miracle romain» (au IIo siecle avant notre ere). Elle s'est
toujours sentie investie d'une mission, celle de gouverner le monde. Son
vaste empire doit son équilibre à l'ouverture de sa civilisation à toutes les
cultures de I'humanité et à l'instauration d'une société d'intégration et de
tolérance. Le systeme romain des valeurs compte pour beaucoup dans la
réussite de cette entreprise de paix unique dans I' histoire, et notamment
la fides.
Comment alors justifier le taedium uitae et l'intempérance dénoncée
par Séneque et dépeinte par Martial et Juvénal? L'individualisme (sibi
uiuere), la prééminence de I'argent expliquent en partie la réalité de la crise
morale, mais la lecture de Pline ou d' Apulée permet d'entrevoir les
nouvelles valeurs qui régissent les rapports entre les hommes. De cette crise
profonde et salutaire se dégage un humanisme universel qui constitue le
ferment culturel de notre unité européenne moderne.